dimanche 22 mars 2009

Au coeur de l'Amazonie avec les Shuars

Nous avions remonté l'Amérique du sud en bus en partant d'Ushuaia, la ville la plus australe du monde, traversé de vastes paysages, de déserts, de montagnes et de plaines, vue des baleines et les plus belles chutes d'eau du monde, mais nous n'avions pas encore fait l'incontournable Amazonie...
Cette magnifique jungle, que l'on appelle les poumons du monde, traverse tout le nord de l'Amerique du sud et nous l'avons rejoint en Equateur.
Notre rendez vous était a Macas, tôt le matin. Wajuyat, leader d'une communauté Shuar, un défenseur de la biodiversité et de la culture Shuar, devait nous y retrouver.


Nous étions plein d'appréhensions, car nous avions lu énormément de détails sur les parasites, les maladies transmis par les insectes et bien sur toutes les bestioles dangereuses de la jungle; mais on avait tous les deux le sentiment d'être a quelques heures d'une aventure exceptionnelle...
Vers huit heures, Wajuyat et sa femme Eloisa arrivent sur une moto. Wajuyat nous accueille chaleureusement, sa femme nous dit timidement bonjour.

On s'approvisionne pour la forêt: botes en plastique pour marcher (indispensable), piles pour les lampes frontales, papier toilettes et nourriture. Wajuyat doit se rendre à Quito; c'est donc Eloisa qui nous accompagne en bus jusqu'au "centro de semillas" ou "centre de graines".
Le centre est une idée de Wajuyat ... Les principe du centre de semillas est de récupérer les graines d'arbres et de plantes rares de cette forêt. Ces plantes sont semées au centre dans un environnement contrôlé, pour assurer les meilleurs conditions de croissance et obtenir une plante saine. A l'apparition des premiers pouces, le centre les distribue dans les communautés de la région qui ont besoin de re-forester et reconstituer l'ancienne bio-diversité de la jungle. Wajuyat voyage partout en Equateur pour étendre le concept de la distribution de graines et sensibiliser les gens sur l'importance de préserver la jungle.

L'Equateur subit depuis des années une déforestation massive, les entreprises petrolieres et forestieres tranchent dans la jungle pour y faire leur profit. Une Grande entreprise française a d'ailleurs été jugé coupable de déforestation. Comme nous explique Wajujat, la jungle est leur supermarché, leur pharmacie. Fragmenter cet environnement comme souhaite le faire le gouvernement detruirait leur mode de vie mais aussi l'ecosysteme existant.
Depuis des années, Wajuyat récupère peu à peu les terres de ces ancêtres: aujourd'hui, avec sa communauté, il habite sur 4700 hectares de forêt: 400 hectares sont utilisés par les Shuars pour des cultures et semis; le reste est préservé par les Shuars comme forêt vierge.
Aujourd'hui, de nombreuses communautés indigênes participent au projet. Elles collectent leurs propres graines pour les échanger avec les autres communautés indigènes. Les personnes intéressées viennent elles mêmes chercher des graines au centre et peuvent commander des graines. Des volontaires du monde entier viennent participer au projet...
C est dans ce contexte que nos venons, à notre tour (www.seedsdream.org)

Après 3 heures de bus sur un chemin de terre, Eloisa se lève pour signaler au chauffeur de bus de s'arrêter aux bord de la route.
Alors que nous remontons le sentier vers le centre Eloisa siffle, et quelques seconde après, deux enfants viennent nous retrouver pour aider leur maman à porter les affaires. Ce sont Sarah, 11 ans et Yeli, 8 ans: ils ont l'air très enthousiasmés par notre arrivée.
A peine installés dans la piece des volontaires, Eloisa vient nous signaler qu'elle doit nous laisser. Elle part pour Puyo, plus au nord l'Equateur avec sa fille pour recevoir un prix, car Sarah est la meilleure élève de son école. Elles doivent revenir à 19h00.
Nous restons donc seuls avec Yeli, qui nous fait écouter la musique de son papa, nous montre le torrent ou l'on récupère l'eau, les toilettes (un grand trou dans la forêt).

On prend aussi le temps de faire connaissance avec notre voisine, une très belle araignée dont on va rencontrer les sœurs un peu partout autour de la maison.

Dans la cuisine, on trouve de quoi manger: des poissons d'eau fraiche de la jungle, des bananes plantain, du riz, des concombres... Yeli nous aide en nettoyant les poissons dans une bassine et Nicolas nous fait des filets. On mange tous ensemble sur un grande table de bois et Yeli nous montre la poubelle de récupération d'eau de pluie pour laver la vaisselle. Tarzan, le chien de la famille, effroyablement maigre, rode autour de nous pour récupérer les restes; Yeli lui jette des têtes de poisson et des bouts de bananes plantain.
Tard dans la soirée, Eloisa et sa fille ne sont toujours pas de retour; nous préparons le diner et attendons longtemps après la tombée de la nuit, mais personne n'arrive. Yeli n'a pas l'air inquiet et nous allons tous nous coucher sur nos lits en planche de bois... Le lendemain matin, on prépare de l'avoine pour le petit déjeuner et on attend. Au déjeuner, toujours pas signe.. on prépare le déjeuner dans le silence; c'est étrange d'être ici tous les deux, dans un lieu inconnu et de s'occuper d'un enfant, bien que celui ci soit très débrouillard et serviable.
Enfin, vers deux heures, Yeli se redresse et affirme "elles sont arrivées." Effectivement, quelques minutes plus tard, on entend les pas sur le chemin qui mène à la cabane. On prépare vite nos affaires, car nous devons rejoindre la communaute Shuar au cœur de la forêt amazonienne avant la nuit tombée. On prend le nécessaire et nous partons avec Yeli et Tarzan qui trottine derrière nous... Eloisa et Sarah nos rejoindrons plus tard.
Nous marchons pendant 3 bonne heures avec notre petit guide, nous traversons des ruisseaux et marchons a travers une dense forêt, sur des pierres et tronc d'arbres mouillés, dans la boue ... L'amazonie est l'un des endroit les plus humides au monde et il fait tres chaud. Alors que Yeli se ballade comme dans un terrain de jeux, on se concentre pour ne pas glisser.
La maison de Yeli est une grande cabane de bois, construite en hauteur, avec un toit fait de feuilles de palmes tressées.

On retrouve les sœurs de Yeli, Magalie 10 ans, Natasha 5 ans, et Tamara 4 ans, qui reviennent de leur récolte de bananes plantains. Omar, un indigene Quechua sourd et muet habite aussi avec la famille et participe aux taches quotidiennes. Dehors, une douzaine de canards et de poules picorent sur le sol et trois chiens, encore plus maigres que Tarzan cherchent des opportunités pour se glisser dans la maison et repartir avec un bout de platane en douce.
Un énorme réservoir d'eau est relié à une gouttière sur le toit; c'est avec cette eau que l'on fait la lessive, la vaisselle et que l'on se douche.

Les enfants s'empressent de préparer leur récolte pour la mettre dans une marmite au dessus du feu avant l'arrivée de leur mère. La nuit tombée, il ne reste que la lueur du feu pour nous éclairer; nous mangeons ensembles sur le sol dans l'obscurité avec les bruits de la foret et les voix des enfants qui discutent avec leur mère en Shuar.
Alors que le feu s'eteint petit a petit, les 5 enfants regagnent la chambre ou ils s'installent ensembles dans des couvertures sur le plancher. Nico et moi dormons sur un petit lit de planches surélevés et Omar dort par terre a coté de nous. Eloisa part dans sa chambre.
Les plus dur, quand on part travailler avec des Shuars dans la forêt, n'est pas la tache à accomplir en soit, mais le chemin à parcourir pour y arriver... Notre première journée, nous partons avec des paniers et des machettes dans les bois, accompagnés d'une autre famille, le frère d'Eloisa, sa femme et ses enfants. Nous avons du mal à suivre sur les petits chemins étroits et tortueux qui mènent à la "Shacra". Geraldine à parfois envie de maudir la boue qui lui ôte ses botes! Après 45 minutes de marche, nous y sommes...
On défriche avec la machette, on désherbe et on cherche des racines de camote, de papa china et de yucca. Sarah est très habile et nous montre les mauvaises herbes et celles qu'il faut préserver; pas facile à reconnaitre dans la dense végétation. Une averse nous interromps dans notre travail, et nous nous réfugions sous des feuilles de bananier: très efficace, mais nous ne pouvons pas rester là en permanence, et quand la pluie se calme, nous retournons à nos tâches.
La récolte est bonne et nous revenons avec des paniers pleins. Géraldine à décidé de d'aider Sarah en portant son panier, Nicolas aussi porte un panier très lourd. Trempés par la pluie, on remonte la côte glissante pour rejoindre la maison et le chemin n'en finit plus! Il faut traverser un long tronc mouillé au dessus d'un trou, enjamber de gros arbres tombés et surtout monter, monter, monter. Ça c'est facile pour toi?" Géraldine demande à Sarah à notre retour "c'est normale" elle répond.
Les enfants ne cessent de nous impressionner de par leur débrouillardise, leur gentillesse et ce sourire omniprésent sur leurs visages.
Les autres jours, nous participons aux taches quotidiennes: coupe de bois, récolte de fruits et de racines, cuisine, nettoyage de la maison. Eloisa nous amene dans la jungle pour collecter des graines et de "l'aguacate", une sorte d'avocat de la jungle... on ramasse plus de 1000 graines de palme et de différents arbres.

Nous plantons aussi des pouces d'arbres autour de notre cabane et proche du centre de graine pour densifier la foret: Eloisa défriche avec la machette et nous indique ou il faut planter, Nicolas creuse le trou et Géraldine plante l'arbuste et un piquet de repérage à coté.

Un jour, Eloisa a manqué de peu l'attaque d'un serpent très venimeux qui n'a pas apprécie les coups de machette a proximité. Elle a eu tellement peur qu'elle n'a pas pu travailler le reste de l'après midi.

Nous avons ègalement travaillé pour le développement d'un jardin pour la petite école de la communauté afin de pouvoir cultiver et offrir une nourriture variée aux enfants.
Les jours de pluie incessante, on reste a l'intérieur pour fabriquer des objets artisanaux à base de graines et de fils.

Les enfants jouent avec les cheveux de Geraldine, écoutent Nicolas jouer au charango et se balancent sur le hamac en chantant des chansons Shuar et des chansons évangéliques.

Ici, les petits ne connaissent pas Disney, mais dés 5 ans, ils savent grimper un arbre pour chercher des guaves, faire un feu, cuisiner, laver des vêtements, utiliser un couteau et une machette... Yeli est un vrai petit homme, il part a 6 heures du matin avec Omar et les chevaux pour du bois pour la maison de son frère et rentre le soir vers 7 heures, le sourire jusqu'aux oreilles, content de sa journée de travail.
Nous avons installé notre tente dans une petite cabane à quelques minutes de marche de la maison.

Wajuyat est de retour et tous les matins a 5 heures, on entend le son de sa flute dans la forêt. Le soir, on parle de la culture Shuar, des autres volontaires qui sont venus, des voyages de Wajuyat en europe, de la journée de travail et bien sûr de la foret et de ces créatures. Les enfants nous ont donné des noms Shuar car tout le monde a du mal a retenir nos noms. Géraldine s'appelle Nandar, chance, et Nicolas s'appelle Charip, éclair. Nous sommes sous le charme de cette famille et l'environnement luxuriant nous surprend chaque jour.
Un soir, Wajuyat est très inquiet. La journée nous étions partis a la vallée sacrée avec Magalie et Eloisa; c'est là ou les Shuars pratiquent le shamanisme avec des plantes de tabac et d'ayahuasca.
A notre retour, Tarzan a disparu, il se promenait derrière nous quand il a relevé l'odeur d'une proie et l'a suivi dans la forêt. "Nous avons déjà perdu 2 chiens à cet endroit; c'est un anaconda qui les mange," explique Wajuyat, très consterné. Il avait acheté Tarzan pour 100 dollars pour la chasse. "Il doit être immense, et nous ne pouvons pas continuer comme ça. Nous allons devoir faire appel à un chasseur d'anaconda de la communaute Quechua." Cette soirée la, tout le monde raconte leur histoire sur l'anaconda et les boas et sur les autres créatures des bois (de quoi nous rassurer avant de retourner notre cabane!) Fanny (une autre fille, 15 ans, qui nous a rejoint,) en a vu un gros sur un arbre pas loin de notre cabane. Yeli sait s'évader si il est poursuivi par un boa... il faut courir en zig zag et faire le tour des arbres car le boa suit l'odorat.... Yuri, le plus grand, 16 ans, avait disparu un soir, et Eloisa avait pleuré toute la nuit en pensant qu'un jaguar, l'anaconda ou autre serpent l'avait tué (il s'avère qu'il s'était égaré en chassant et n'avait pas pu traverser la rivière au retour.). Le père d'Eloisa avait tué un jaguar qui avait attaqué sont chien. Wajuyat en avait croisé un avec une volontaire et avait réussi a l'effrayer.
En écoutant ces histoires, on pense aux discussions que l'on a chez nous autour de la table...sur la politique, le travail... on se sent complètement transportés dans un autre monde. Ce soir la, Nicolas fait un feu devant la cabane avant que l'on aille se coucher pour décourager les bêtes et pour camoufler notre odeur. Nous avons eu la chance de croiser une belle tarantule lors d'un retour de nuit à notre cabane, nous sommes passés tranquillement à coté et pas spécialement envie de la titiller.
L'espoir demeure toujours de trouver Tarzan... le matin, Eloisa, Omar et Yeli partent aux aurores pour suivre les traces du chien... ils ne reviennent qu'a midi avec un bonne nouvelle... Tarzan doit toujours être vivant, car il est parti loin, très loin, vers une communauté Quechua... c'est à Yeli et Omar d'aller le récupérer.

Wajuyat pratique la medecine naturelle, jamais un seul membre de sa famille n'a eu besoin de la medecine occidentale. Il connait l'ensemble des plantes, racines, écorces. Il prépare les concoctions. Il nous explique qu'il s'agit d'une medecine très puissante et que pour nous européens il faudrai adapter les dosages car nous ne pourrions les supporter. Mais nous vu la force de ce type de medecine a 2 reprises.

Par exemple, Un jeune de 14 ans s'est fait piqué par une mouche au coude. Celle ci lui a pondu des ouefs, et des larves ressortaient de sa plaie. Le bras était gonflé, de couleur rouge et la plaie baveuse rejette des larves. Nicolas propose d'emmener le jeune jusqu'à une ville pour trouver un hopital car il a peur pour le jeune qui souffre énormément. La Grand mère de la famille, prend du miel noir le brule dans les braises, puis elle vient l'appliquer sur la plaie infectée. Le jeune grimace de douleur, puis elle applique une huile qu'elle vient de faire a partir de 'Oja de Rosa'. 2 jours plus tard, le bras était soigné.

Le plus dur dans l'amazonie n'était pas le climat, les chemins boueux, les insectes, les animaux mais la bouffe. Comme il est difficile de cuisiner pour 9 avec peu d'ingrédients, on se retrouve a manger beaucoup de soupe et de la cuisine bouillie en général. Nous mangeons ènormément de bananes plantain (forme de bananes mais gout de pomme de terre), des racines, des papas chinas. Parfois des poissons avaient été peches, parfois du riz, un Wanta (ressemble a un énorme cochon d'inde) avait été chassé, des oisillons en brochettes mais aussi des larves grillés (juteux, crémeux mais écoeurant) et la célèbre "Chicha". La boisson traditionnelle très régulierement offerte aux invités. Elle est faite à base de Yuca et de Camote, ils font bouillir les ingrédients. Puis ils les machent et les recrachent en morceaux dans la grande gamelle (ca donne l'appétit). Ils disent que c'est pour adoucir, ils font ensuite fermenter la mixture dans une bassine en plastique.
Nous avons la joie de tester ce savoureux Elixir, le gout fermenté de ce jus avec ces morceaux a de quoi ravir de nombreux gastronomes :)


Les Shuars sont de religion évangélique car des missionaires ont fini par les convertir, même si les premiers missionaires du siècle dernier ont vu leurs têtes réduites.
Ils chantent essentiellement des chants religieux et suivent des règles imposées par ce mouvement. La danse est mal vu ainsi que les chants paiens.

Au bout de 2 semaines, nous avions déjà perdu beaucoup de poids, mais nous n'avons pas été malade une seule fois. On passe nos derniers moments en famille, Géraldine nettoient les cheveux des petites infectes de poux, ils nous font découvrir des endroits dans la jungle absolument merveilleux, On se balance avec des lianes comme Tarzan.

Nicolas passe du temps avec Yéli, fabrique de petits bateaux pour faire naviguer sur les rivieres et ils s'y baignent. Vu l'eau de couleur marron et froide, Géraldine prefere nous regarder de la berge.

Nous quittons avec tristesse cette communaute qui nous profondément marqué, des mémoires y ont été gravé pour longtemps.


Sur le chemin boueux dur retour, on s'imagine ce qu'on va pouvoir manger en rentrant à la ville, des pates, des crêpes...on reve!

2 commentaires:

Bonnaud Jean-Christophe a dit…

Que de choses extraordinaires à voir dans cette forêt Amazonienne, mais quelle vie dure pour nous européens et qui semble si naturelle pour eux. C'est là que l'on voit le décalage qu'il y a entre notre civilisation pleine de confort et de besoins créés et la leur faite de simplicité apparente.
Martine et Jean-Cristophe

Anonyme a dit…

dire que nous sommes entourés d' enfants et d'adultes nantis et capricieux qui ne sont jamais satisfaits de leurs vies. d autre se battent avec la nature et triment uniquement pour se nourrir,toujours de bonne humeur etle sourir, sans superflu. le vrai bonheur reside dans la simplicite du coeur=l'amour.je vous embrasse tres affectueusement . bisous bisous maithe et papi